04.La Liberté

Rodier l’ArchiPeintre

Mieux vaut l’écrire d’emblée : Antoine-François Rodier n’est pas un peintre. Au départ, il pose quelques objets épars sur sa toile, trois galets, des yeux, un masque, des gadgets, n’importe quoi… D’ailleurs, il le confesse : « Je ne sais pas où je vais. »

Dès lors, partant d’une forme existante, il ne peint pas : il fait un collage et il construit. Avec le même objet, démultiplié, comme par exemple les gommes souvenirs de la statue de la Liberté, il créé des tableaux et des ambiances différentes. Les couleurs, le mouvement naissent ainsi lentement, comme une brume qui se lève et découvre peu à peu le paysage un peu flou. En réalité, il bâtit son tableau comme un architecte. Rodier est un « archipeintre ».

Ses compositions foisonnantes me font irrémédiablement penser à Hiéronymus Bosch. Il ne fait certes pas du Bosch, mais ils ont un point étrangement commun. Chaque fois que vous regardez un tableau de Rodier, vous y découvrez une miniature, un visage, un monument, une tour, une statue, une myriade de détails qui vous avaient totalement échappé à la première visite. Comme chez le grand Flamand, chaque nouveau regard enrichit la vision.

C’est après plusieurs voyages à New York que Rodier caresse l’idée de travailler autour de la statue de la Liberté, cette offrande unique au monde d’un pays à un autre. On peut vérifier une fois de plus qu’il n’y a pas de hasard, mais seulement des cohérences. La preuve : elle est née à deux pas de chez lui, dans le XVII e arrondissement de Paris. En effet, le sculpteur Auguste Bartholdi travaillait dans la fonderie sise au numéro 25 de la toute proche rue de Chazelles. C’est ici que fut façonnée la « Liberté éclairant le monde », trois cents plaques de cuivre repoussées composant le colosse. L’armature en fer forgé avait été conçue également non loin de là, dans les ateliers de Gustave Eiffel au 48, rue Fouquet à Levallois-Perret. Cette ville a d’ailleurs fêté les 90 ans de sa disparition en 2013. Rodier était cerné !

Dans ses promenades américaines, il avait acheté des gadgets par dizaines, telles des gommes souvenirs à l’effigie de la statue. C’est à partir de ces petits objets touristiques, collés et intégrés dans la toile, que vont naître chacune des peintures de ce cycle. Regardez-les bien : vous y ferez sans cesse de nouvelles découvertes. Son œuvre est fascinante.

Jean Miot

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